par M. Govindan Satchidananda
En pratiquant les yamas, on devient de plus en plus réceptifs à la manière dont les schémas d'habitudes, les croyances et les comportements inconscients cachent le vrai Soi et la Vérité sous-jacente. On doit donc les suivre non pas simplement comme un code moral ou un comportement idéaliste mais au travers du pouvoir intégrateur du Témoin. Sinon, ils deviennent une source intérieure de conflit et de répression névrosée. L'objectif de la pratique des yamas est de révéler et d'éliminer ce qui nous maintient hors de l'alignement avec le Vrai, le Bon et le Beau, c'est-à-dire notre Soi éternel : les dérangements qui viennent de l'intérieur et de l'extérieur.
Dans cet éditorial, le cinquième d'une série de cinq articles, je démontrerai comment le Yoga nous demande de transformer notre nature humaine en observant la règle sociale, yama, connue sous le nom d'asteya, ce qui signifie, selon le plus ancien commentaire sanskrit sur les Yoga-sutras, « l'appropriation non autorisée de choses appartenant à une autre personne ». Comme nous le verrons, steya ne nuit pas seulement aux autres mais aussi à celui qui vole. Alors que nous associons communément le vol avec la propriété matérielle d'autres individus, comme dans le brigandage, le fait de ne pas payer une dette personnelle, l'évasion fiscale ou la fraude, il implique aussi le vol d'actifs incorporels comme le temps, l'identité, la propriété intellectuelle, la réputation, la liberté et les droits d'une autre personne et même, le vol d'un environnement non pollué et de ressources non renouvelables appartenant aux générations futures, à cause d'une consommation ordinairement excessive. L’accumulation d’argent est également souvent le résultat de comportement criminel, en d’autres mots, de vol. Si l’accumulation de richesse a longtemps été le but de la plupart des gens dans notre société à culture matérialiste, de plus en plus de gens deviennent conscient qu’il n’est pas juste que la majorité de la richesse mondiale soit contrôlée par moins de un pour cent de la population.
Comme les sociétés ont évolué en des formes plus complexes, des sociétés tribales, où le vol était une infraction non fréquente ou mineure, à la société moderne, aujourd'hui, « voler » est devenu une part intégrale de la culture matérialiste moderne. En identifiant d'abord les nombreuses façons dont le « vol » arrive dans notre société moderne, nous pouvons commencer à éviter ses conséquences négatives, individuelles, sociales et planétaires.
Le vol de propriété matérielle d'autres individus
Aujourd'hui le vol de la propriété matérielle est conduit par des individus ou par des groupes criminels organisés ; il prend la forme de vol armé, cambriolage, braquage, vol à l'étalage, évasion fiscale, racket, chaînes de Ponzi, trafic d'humains, vente et achat de produits de contrefaçon de tout type, trafic de biens vendus, exploitation de main d'œuvre étrangère et multiples types de fraude. En Amérique, « la terre des hommes libres », il y a plus de gens en prison que dans les universités. Et il n'y a pas seulement des membres de gang mais aussi des petits voleurs et des voyous. Ils comptent ceux qui ont commis des crimes économiques, ce qu'on appelle les « crimes en col blanc » tels les nombreux types de fraude d'investissement, avec par exemple, les « délits d'initiés » qui font commerce de capital en utilisant l'information à laquelle ont accès, de manière privilégiée, les managers d'entreprises, les comptables, les courtiers en valeur mobilière et les conseillers financiers ; ou encore la « sécurisation », le regroupement par des banques de nombreux prêts hypothécaires à haut risque afin de les vendre trompeusement comme des investissements à faible risque. La crise économique qui a commencé au printemps 2008 à Wall Street était due à ce type de comportement criminel parmi les banquiers, à la négligence de ceux qui ont supervisé leurs activités et à l'avidité de nombreux acheteurs de maisons qui ont exagéré leurs comptes de résultat ou leurs passifs, en souscrivant des prêts qu'ils ne pouvaient vraiment pas se permettre. Presque tout le monde sur la planète aujourd'hui supporte les conséquences de cette avidité envahissante et du vol de millions d'acheteurs de maisons, d'investisseurs et de professionnels de l'industrie financière – ce qui a conduit au début de la crise économique mondiale en 2008.
Alors que c'était la survie qui motivait communément le vol, aujourd'hui, avec l'influence des films et de la culture populaire, le vol est souvent vu comme le chemin le plus facile pour acquérir ce qui nous rendra heureux. Les films et la télévision vont jusqu'à glorifier le comportement des voleurs et des gangsters. La culture de la drogue est en partie responsable. L'usage largement répandu de drogues récréatives, un signe en soi que les individus ne veulent pas se confronter à leurs propres névroses et les nettoyer, nourrit l'impulsion du vol, soit pour financer la drogue ou simplement pour avoir ce que l'autre a. L'attitude d'essayer d'avoir autant que l'on peut avec aussi peu d'effort que possible alimente aussi la spéculation à la Bourse, toutes les formes de jeu, la triche dans les examens scolaires et la manipulation de subordonnés et de collègues sur les lieux de travail.
Le non-paiement des dettes est un énorme problème aujourd'hui. Plus de 10% de la dette des cartes de crédit n'est jamais payée. Des millions de personnes ont délaissé leur crédit immobilier depuis que la crise économique a commencé en 2008. Alors, tout le monde doit payer plus : des taux d'intérêt plus élevés, des frais plus élevés, des taxes plus élevées. Trop souvent, le manquement à rembourser une dette est due à une attitude considérant la dette comme bonne et le fait de ne pas la rembourser comme acceptable. Mais lorsque le montant de la dette dépasse les capacités de remboursement de l’individu, ce n’est pas bon et ce n’est pas acceptable. Quand la dette n’est pas remboursée, c’est du vol ; et si elle a été contractée avec l’état d’esprit qui consiste à dire « je ne la rembourserai pas », c’est une escroquerie. Avant d’endosser une dette, il faut évaluer attentivement et de manière objective sa capacité à la rembourser.
Quand le vol dépasse un individu et englobe tout un pays, cela prend la forme de ce qu'on appelle « l’impérialisme », la création d'un empire afin d'exploiter les ressources et le travail d'autres pays et d'autres peuples. Du 16ème au milieu du 20ème siècle, l'impérialisme a donné lieu à la création de colonies par les nations européennes tout autour du monde. Depuis, alors que les colonies ont été remplacées par des états-nations indépendants, c'est l'impérialisme économique qui est toujours exercé par les économies nationales les plus puissantes, contre les pays les plus pauvres. Celles-là sont capables d'utiliser leur grande puissance injustement pour extraire la richesse des nations les plus pauvres, pour se protéger de la compétition avec des barrières tarifaires et non tarifaires et pour maintenir des régimes dictatoriaux corrompus qui soutiennent des systèmes étendus de vol, entre et à l'intérieur des pays.
Voler des générations futures arrive quand nous gâchons les ressources non renouvelables en consommant de manière habituellement excessive, en achetant des produits qui polluent l'environnement ou en délaissant le recyclage et la préservation de notre environnement naturel. Nous privons nos descendants des ressources et de l'environnement dont nous avons jouis.
Le vol d'actifs incorporels
Asteya ou voler arrive aussi quand nous plagions en écrivant un essai, un examen ou un livre. Cela arrive quand nous téléchargeons d'internet de la musique, des livres ou des logiciels avec copyright (droits de propriété). Nous privons les propriétaires de copyright d'une juste rétribution pour avoir produit un matériel intellectuel que nous trouvons si précieux que nous voulons le voler.
Nous volons du temps à nos employeurs quand nous sommes fréquemment en retard au travail, quand nous utilisons notre « temps » au travail pour des activités personnelles sans compenser cela. Nous volons le temps des autres quand nous les obligeons à écouter nos bavardages non nécessaires. Nous volons la vie privée des individus quand nous utilisons leurs informations confidentielles. Nous volons leur bonne réputation quand nous parlons mal d'eux ou que nous les calomnions.
Voler arrive aussi quand nous exploitons les travailleurs en leur payant un salaire qui ne les rémunère pas justement pour leur temps, leur effort et leur capacité. Cela arrive quand nous subventionnons des gouvernements dont les politiques privent les citoyens d'autres pays de leur liberté et de leurs droits humains, allant à l'encontre des procédures légales régulières.
Les conséquences personnelles du vol
Chaque pensée, chaque mot, chaque action ont une conséquence, selon la loi du karma. Voler engloutit dans notre esprit des pensées noires comme le désir, la peur et la culpabilité. Cela referme notre cœur, renforce les tendances égoïstes et nous rend aveugle à l'unité que nous partageons avec ceux que nous volons. C'est une manifestation de peur et de faiblesse face au désir. En s'adonnant à cela, nous abandonnons notre pouvoir d'autocontrôle et nous permettons aux forces négatives d'augmenter leur prise sur nous. En volant de manière répétée, cela devient une habitude et nous en perdons notre liberté. Tôt ou tard, nous devrons aussi rembourser la dette que nous engageons quand nous volons et non seulement le principe. Il y aura des charges d'intérêt ajoutées à la dette karmique d'avoir volé. Alors que le moment où nous devrons rembourser nos dettes dépend de la quantité de bon karma que nous avons engagée, par exemple, au travers d'actions de charité ou de bonté, ou d'autres facteurs atténuants, toutes les dettes doivent finalement être payées. Et quand le vol arrive entre les nations ou contre un gouvernement, il y a des dettes karmiques collectives qui devront finalement être payées, sinon dans cette naissance, alors dans une prochaine.
Comment éviter le vol individuel et collectif
En reconnaissant d'abord comment le « vol » est devenu envahissant dans la société moderne et en identifiant les manières par lesquelles il se manifeste, nous devenons conscients de ses racines dans notre nature humaine. Comme discuté dans les éditoriaux précédents (voir sur notre site web et dans le livre Kriya Yoga : réflexions sur le chemin spirituel pour en retrouver de nombreux), notre nature humaine est imparfaite à cause de trois grands malas, ou taches : anava (l'ignorance de notre véritable nature, c'est-à-dire l'égoïsme), karma (les conséquences de nos pensées, mots et actions ; ensemble, nos habitudes) et maya (l'illusion). Alors, si nous voulons provoquer yama ou la mort du vol, steya, nous devons supprimer ces malas, ou taches, qui sont aussi la cause de notre souffrance.
Alors que l'humanité a essayé de contrôler le vol depuis le temps où les personnes se sont regroupées en sociétés tribales, avec des lois, des juges, la police, la punition et la prison, les résultats de ces tentatives ont été très limités. Nous devons étreindre l'avertissement de Mahatma Gandhi : « vivre simplement et penser de manière élevée », si nous voulons éviter de produire des gaz à effets de serre en excès et les catastrophes qui en découlent concernant le climat, les guerres et la diminution des ressources. La technologie ne nous sauvera pas des imperfections de notre nature humaine. D'après les mots de Sri Aurobindo, ce dont nous avons besoin est « la révolution de notre nature humaine ». Une telle révolution doit être menée par chaque individu, non seulement comme un effort de se conformer aux morales et aux lois des sociétés, mais comme un moyen impératif de réaliser le Vrai, le Bon et le Beau, si ce n'est de sauver la planète. Cultiver avec succès asteya peut arriver en pratiquant ce qui suit :
En concluant cette série de cinq articles sur les yamas, j'ajoute ma plus sérieuse prière pour que, non seulement, ces cinq règles sociales yoguiques, à savoir, ahimsa, ne pas nuire, satya, la vérité, brahmacharya, la chasteté, aparigrah, la non-avidité et asteya, ne pas voler, soit adoptées par chacun – comme des moyens privilégiés de réaliser une vie heureuse, mais aussi pour que chacun fasse de son objectif la culture des vertus alliées telles la patience, la discipline de soi, la pureté, l'humilité, la sincérité et l'honneur. La fondation de toute culture qui a perduré au trave
Journal 72 hiver 2012 asteya ne pas voler
Copyright © 2012 par Marshall Govindan.
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